In Memoriam: Bruno Barrillot
29.03.2017: geboren 1940 in Lyon, gestorben 2017 in Papeete
Am 25. März starb im Alter von 77 Jahren in Paepeete Bruno Barrillot. Der ehemalige französische Militärpfarrer, Wissenschaftsjournalist und Anti-Atomaktivist hatte die letzten Jahre in Französisch-Polynesien gelebt und sein Lebenswerk - die Atomtestveteranenvereinigung "Moruroa e tatou" und deren Kampf für Gerechtigkeit - mit seinem Wissen und seiner tatkräftigen Recherchearbeit in den französischen Archiven unterstützt.
Bruno Barrillot lernte ich bereits im Jahr 2000 als Mitglied des Ausschusses des damals noch existierenden European Centre for Studies and Information on the Pacific (ECSIEP) kennen. In den folgenden Jahren trafen wir uns diverse Male in diesen Arbeitsbezügen und verloren uns dank Internet auch nicht aus den Augen, als Bruno endgültig das von ihm gegründetet Zentrum für Friedens- und Konfliktforschung in Lyon verließ und in Tahiti eine neue Heimat fand. Mit seinem engen Freund John Doom, der im Dezember 2016 verstarb, verband ihn eine langjährige Freundschaft und ein kollegiales Arbeitsverhältnis. Für sein Engagement für die polynesischen Atomtesveteranen erlang Bruno in Tahiti und in anderen Regionen des Pazifiks große Anerkennung und Wertschätzung. Mit Bruno verliert die Anti-Atom-Szene weltweit einen ihrer größten Kämpfer. Wir sind traurig!
Julia Ratzmann, Pazifik-Infostelle
Bruno Henri Barrillot nous a quitté ce samedi 25 mars. Bruno est né le 09 avril 1940, à Lyon. Il aurait eu 77 ans le mois prochain. Fils de feu Pierre, Marcel Barrillot et feue Yvonne, Gabrielle ROUX. Il a trois frères, Christian, Gérard et Alain et un fils adoptif Michel. Ne pouvant être présents à ses côtés aujourd’hui, ayons une pensée bienveillante pour sa famille… Nous, tous ici présents, Nous, ta famille maohi, polynésienne, sommes à tes côtés pour t’accompagner là où ta foi te conduit. Bruno ? Comme le précise Patrice Bouveret, son ami de recherche et de lutte de 40 ans, dans son hommage, est un " infatigable lanceur d’alertes sur les conséquences des essais nucléaires "… qu’ils furent effectués ici ou ailleurs dans le monde. Bruno... C’est un petit bonhomme humble, modeste et simple mais un grand homme dans son engagement pour la vérité et la justice pour toutes les victimes à qui on a imposé l’arme atomique sans leur consentement. C'est notre Monsieur nucléaire. Scientifique, chercheur, ancien prêtre aumônier et journaliste, Bruno a tout d’abord une formation en mathématiques et physique. Il a poursuivi des études de Philosophie et théologie à Lyon et a terminé par l’obtention d’un Master 2 en " Défense et sécurité internationale ". C’est un réel parcours initiatique qui l’a conduit à être l’homme de foi, l’homme humaniste et l’homme des savoirs que l’on connait. Son parcours humain comme son parcours professionnel sont riches et peu communs : De 1972 à 1985, Bruno, surnommé le " Petit prêtre " qui correspond à son mode de vie, est prêtre aumônier et responsable du mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne au diocèse de Lyon. Dans cette époque de guerre froide et de lutte contre les euromissiles nucléaires, il soutient un mémoire " pointant les incohérences et les peurs de se positionner de l’Église catholique face à la menace nucléaire… ". Cette incohérence va contribuer à son retrait de l’église. Bruno Barrillot recommencera ensuite sa vie en tant que journaliste pour le journal " Libération " à Lyon de 1985 à 1989. Durant cette période avec 3 amis, il participe à la création du CDRPC (Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits). Comme le précise encore patrice Bouveret, la critique des essais nucléaires était l’axe central de leur action avec le contrôle des armes et l’ouverture d’un débat en France pour renforcer le contrôle démocratique des activités militaires. Une action s’appuyant sur la publication de dossiers au contenu précis émanant d’un travail de recherche irréfutable associée à la mobilisation des médias, des parlementaires, des associations citoyennes pour faire progresser le droit et la justice au service de la paix. Ce travail de recherche irréfutable, en homme méticuleux et investit qu’il était, il le poursuivra ici et pour nous jusqu’à son dernier souffle. Le CRDPC deviendra par la suite OBSARM (Observatoire des armements). Observatoire indépendant qu’il présidera pendant 15 ans. La période des essais nucléaires français à Moruroa et Fangataufa…. C’est d’une part l’attentat français contre le navire amiral de Greenpeace dans le port d’Auckland et d’autre part les divers témoignages polynésiens " effrayants " sur les maladies et sur le déroulement des essais à Moruroa publiés par Greenpeace qui vont le conduire au Fenua. C’est en 1990, qu’il vient pour la première fois dans le cadre d’une enquête d’investigation journalistique pour vérifier ces témoignages sur les essais nucléaires. Il rencontre d’abord Marie-Thérèse Danielsson et Bengt Danielsson. Des amis qui vont le guider, le loger et pour qui il deviendra, comme il le dit, " un enfant adoptif de la famille ". Ses premiers contacts, sans surprise, étaient les gens du Tavini : Oscar Manutahi Temaru, Tea Hirshon, Vito Maamaatuaiahutapu… Bruno disait d’ailleurs qu’" il fallait les voir quasiment secrètement … les gens osaient à peine parler ". Il ira ensuite à la rencontre de nos familles et populations des archipels. Celles proches de Moruroa, des témoins rapprochés des essais. A Rikitea, ce sera le choc : le blokhaus en béton armé pour protéger les militaires et le simple hangar de tôle pour protéger la population. Cette vision, cette réalité " irréelle " vont l’inciter à aller au-delà des simples investigations journalistiques. Il va poursuivre sa recherche de vérité plus en profondeur et s’engager aux côtés de nos populations livrées à elles-mêmes face aux conséquences multiples des essais nucléaires français. A son retour en France et par le biais des Danielsson, il fera une rencontre déterminante. Il rencontrera John Doom qui était à l’époque le directeur du bureau Pacifique du Conseil Œcuménique à Genève. Papy John (homme de foi comme lui, anti-nucléaire et homme de la Paix) et Bruno vont se connecter. Ils deviendront " inséparables " dans ce combat. La fin des essais nucléaires en 1996… Pour la première fois, le vécu des populations et leur avis vont être couchés sur papier. Avec l’animatrice hollandaise, Madeleen Helmer, John Doom et d’autres, décident de demander l’avis des Polynésiens sur les essais nucléaires. Ce travail sera effectué à Tahiti sous la direction de deux sociologues hollandais et grâce au dynamisme de Gaby Tetiarahi qui mobilisa une équipe de jeunes enquêteurs. L’Eglise protestante était en soutien avec son vice-président de l’époque, le pasteur Taarii Maraea. En 1998, l’enquête sera publiée sous le titre en français " Moruroa et nous " et en tahitien " Moruroa e tatou ". Quelques années plus tard, toujours en France, l’équipe autour de John Doom se concerte et décide de créer deux associations : l’Aven en France avec les vétérans militaires très inquiets à leur niveau et Moruroa e tatou en Polynésie. Les deux associations voient le jour en juin et juillet 2001. Bruno Barrillot est nommé expert et conseiller en nucléaire pour les deux associations… En 2002, Bruno, en tant qu’expert, est nommé par le Premier ministre de l’époque membre de la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnelles. En 2005, lors du TAUI, il sera nommé expert de la Commission d’enquête de l’Assemblée de la Polynésie française sur les essais nucléaires aériens. Dès 2006, Bruno est nommé expert du Conseil d’orientation sur le suivi des conséquences des essais nucléaires (COSCEN) En 2009, il devient Délégué pour le suivi des conséquences des essais nucléaires, au nom du gouvernement de la Polynésie française. Il sera également désigné représentant du Président de la Polynésie (M. Oscar Temaru) à la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires auprès des ministres de la défense (MM. Morin, Longuet et Le Drian). Souvenons-nous que c’est son long travail d’investigation qui sera à l’origine de la loi Morin en faveur des victimes des essais nucléaires votée le 5 janvier 2010. En 2013, Il sera licencié du poste de Délégué de la DSCEN, suite au retour au pouvoir de Gaston Flosse. Septembre 2013 à 2014, Bruno poursuivra sa mission comme assistant du sénateur Richard Tuheiava. En août 2016, le gouvernement Fritch le remet dans ses fonctions de Délégué au suivi des conséquences des essais nucléaires. Bruno Barrillot, homme de contact et de partage, a établi des liens importants avec divers réseaux et personnes : des liens avec des experts internationaux qui le sollicitaient régulièrement, des liens avec des populations victimes comme nous des essais nucléaires… Par le fruit de ses recherches et investigations, Il a écrit plusieurs essais et livres sur les essais nucléaires en Polynésie, en Algérie et ailleurs. En 2010, il sera d’ailleurs honoré et reconnu pour son dévouement et son " engagement sans faille " par Le " Nuclear Free Futur Award ", ou prix de l’avenir sans nucléaire. Il a également soutenu et participé à d’innombrables documentaires au sujet des essais. Il s’est engagé auprès de chercheurs, médecins, psychologues… La vérité, la justice et le droit de savoir étaient ses leitmotivs. Bruno me disait, si tu veux un livre de chevet ce sera " Essais nucléaires français, l’héritage empoisonné " qui est certainement son ouvrage fondamental. Un livre qui participe au long combat pour la vérité et la justice qui reste encore à être gagné par les vétérans et les populations algériennes et polynésiennes. J’ai eu l’honneur comme d’autres de travailler avec Bruno sur divers projets et notamment sur une brochure d’histoire " Moruroa, la bombe et nous ". Une brochure destinée à nos enfants qui ne connaissent pas notre histoire nucléaire, l’histoire de leurs parents et les changements que le CEP a engendrés dans notre pays. L’éducation était un élément essentiel qu’il aurait voulu développer d’avantage pour les générations d’aujourd’hui et de demain mais il y a toujours un mur. Un mur psychologique à abattre. Il ne verra pas son rêve se réaliser : le Centre de la mémoire du nucléaire dans le pacifique. Un symbole, un lieu de connaissance pour tous et surtout pour nos enfants qui, à leur tour - qu’ils le veuillent ou non -, devront de manière responsable surmonter les conséquences des essais nucléaires. Homme humble au ton direct et aux mots justes et vrais. Il ne craignait ni les plus forts ni les Etats… Contre vents et marées, il s’est associé à nous jusqu’à la fin pour nous redonner dignité et honneur en tant que peuple. L’héritage qu’il nous laisse est important et riche. Il est parti trop tôt comme John Doom et d’autres. C’est un homme irremplaçable qui nous a beaucoup éclairé. Notre défi aujourd’hui sera avec la même opiniâtreté de nous éclairer nous-même. Continuons son œuvre et son combat. Mauruuru roa Bruno Bruno sera inhumé ce lundi 27 mars 2017 au cimetière de Papeari près son ami John Doom.
Heinui Le Caill, membre du CA de Moruroa e tatou